Ciel ! Mes copies !

Au risque d'enfoncer une porte ouverte, j'affirme que la bête noire du prof, c'est la copie. Alors non... Pour être exacte, pas LA copie, mais LE TAS de copies. La copie, c'est théorique, c'est fantasmatique même ! La Bonne Copie, La Mauvaise Copie... Mais elles n'existent pas. Le cauchemar c'est cet amas inexorable, comme le tonneau des Danaïdes qui ne se remplit jamais... Sauf que dans le cas des copies, le tas semble au contraire ne jamais s'épuiser. Il y en a encore, toujours, et quand on croit qu'il n'y en à plus, il y en a encore.

Je vois d'ici la tête de mes élèves : "oh ben madame, faites plus d'interro si vous ne voulez pas corriger !" Sans blague ! Je n'y avais pas pensé ! Face à cette remarque pertinente, je rétorque : mais que vont dire vos parents ? La sacro-sainte note n'est pas prête de disparaître.

Pourtant, les copies hantent les profs. Il n'y a qu'à tendre l'oreille...

Petites phrases en salle des profs :

le prof lucide "bizarrement, je trouve toujours un autre truc à faire, même désagréable, comme faire la vaisselle par exemple, pour ne PAS corriger"

le prof pragmatique : "Mais quelle idée de donner des interro juste avant les vacances !!" Après faut les corriger...

le prof désabusé : "En plus ça ne sert à rien, ils n'apprennent pas !!"

le prof organisé : "moi j'en corrige 5 par jour, j'ai mon quota, et je rends dans un délais raisonnable"

le prof débordé : "les copies de bac blanc + les interro de 5e + la danse de ma dernière + faire les courses + penser à dormir... Elle est où la D12 déjà ?"

le prof relativiste (en général, mutation salvatrice du prof débordé) : "pfff... les copies on les rend quand on les rend. Après tout, le monde ne va pas s'écrouler"

Le néo-prof : "l'évolution formative est plus valorisante pour les élèves que l'évaluation sommative, même si on peut s'interroger sur la pertinence de sa notation..."

le prof anxieux : "vous en êtes où, vous ? Parce que moi j'ai pas encore commencé..."

Et j'en passe. Quel que soit le profil, il s'agit d'éviter la correction, ou de la retarder, ou de la rendre la moins douloureuse possible.

Je pensais naïvement en commençant à enseigner que les copies c'étaient "rigolo". Si, si. Trouver un barème, créer une évaluation, puis ensuite voir ce que les élèves ont fait, c'était comme un jeu très amusant... Mais non, enfin si, en théorie, mais en pratique, on oublie - ou par manque de temps on le fait dans la précipitation - que bien préparer une éval c'est aussi en rendre la correction moins pénible... Vous connaissez Jeopardy ? Eh bien c'est ça faire une éval... Et mine de rien, trouver les bonnes questions qui amènent sans doute possible - c'est-à-dire celles qui ne sont pas sujettes à interprétations de la part des élèves... Et ils ont de l'imagination pour ça... - à la réponse que l'on attend, demande du temps. Prévoir un barème cohérent qui ne sera pas un vrai casse-tête au moment de la correction, aussi.

Bon évidemment de quoi se plaint-on ? Finalement à chaque travail ses contraintes, et ses avantages... On a 8 semaines de congés payés, et les vacances d'été (qui, dois-je le rappeler, ne sont pas payées, puisque nous sommes payés 10 mois répartis sur 12... Cela dit en passant...) ! Et si les copies ne sont pas la part la plus agréable de notre métier, elles peuvent réserver quand même de bonnes surprises : à défauts des connaissances attendues, certains élèves font preuve d'un humour rendant cette tâche ingrate, supportable.

La copie ne fait pas l'élève, mais elle ne fait pas le prof non plus. Et j'espère vraiment que les miens - d'élèves - se souviendront davantage de nos échanges en classe que des copies que je leur aurais rendues !

Bon allez, faut que j'aille corriger, c'est bientôt les conseils de classe et j'ai des tas à finir avant de remplir les appréciations...